“Bore-out” : Que faire quand l’ennui au travail nous épuise ?

By Mathieu

Ça a commencé à ton retour de congé maternité, quand on avait « réparti tes dossiers pendant ton absence, tu comprends »

ou alors, ça a toujours été comme ça.

Tu n’as pas assez de choses à faire au travail, ou alors tu en as des choses, mais sans aucun intérêt ! (« Bac + 5 pour remplir des tableaux de reporting… tout ça pour ça… »)

Tu finis par te dire que tu serais peut être mieux à la maison, mère au foyer… mais au fond de toi, tu es certaine que ta vie pro peut être une source d’épanouissement, et puis tu as envie de garder ton indépendance financière.

Bref, à la maison, tu t’imagines en Desperate Housewife et ce n’est pas le plan !

Le problème c’est que cet ennui t’épuise moralement, qu’il nuit à ton estime de toi, qu’il entache ta vie de famille.

Sans compter que tu n’oses pas te plaindre « attends, t’es payée à rien f*** de la journée, tu devrais être super reposée ».

Ah oui mais non.

Car depuis l’arrivée de ton chérubin (ou du n°2 ou 3), tu jongles continuellement entre ces sensations de trop, et de trop peu. Le tsunami de cette nouvelle vie de famille à 3, 4, ou plus, c’est le trop. Trop de fatigue, trop de cris, trop de questions mais aussi trop d’amour (ben oui !).

Et ta vie pro c’est aujourd’hui le trop peu.

Trop peu de travail, trop peu de sens, trop peu de considération, trop peu de confiance en toi.

Alors que faire quand l’ennui au travail nous épuise ?

Aujourd’hui, j’adore mon métier, et je me dis souvent que j’ai beaucoup de chance.

Notamment parce que la richesse et la variété des clients que je rencontre sont énormes.

Je ne m’ennuie jamais et j’apprends tout le temps.

Non seulement parce que je suis bien occupée, mais aussi parce que intellectuellement, je suis obligée de faire le grand écart 5 fois par jour, pour comprendre ce que vivent mes clients, et ça me plaît.

Par exemple, un matin je peux accompagner une maman qui sort d’un burn-out, et le soir une autre qui s’ennuie à mourir au boulot. Ces deux personnes se trouveront dans un même état d’inconfort, connaissent (ou ont connu) la souffrance, mais dans deux situations opposées.

Oui, on peut connaître la souffrance parce qu’on n’a rien à faire au travail.

Et l’ennui chronique au boulot, c’est terrible.

Ça a même un nom, ça s’appelle le bore-out.

Ou comment l’abus d’ennui au travail peut mener à l’épuisement et la dépression, entre autres. Je ne sais pas si c’est ça, que tu vis en ce moment, et qui te donne envie de quitter ton emploi. Mais en tous cas, vivre un bore-out, c’est une très bonne raison d’en changer.

Ês-tu en bore-out (ou le seras-tu bientôt) ?

Si tu réponds oui à deux des affirmations suivantes, c’est que c’est le moment pour toi de prendre le problème en mains, effectivement :

  • Je n’ai plus de stimulation intellectuelle à mon poste
  • Je n’ai pas beaucoup de choses à faire au travail
  • Je passe minimum 2 heures par jour à ne rien faire, à ne pas avoir de but précis
  • Cette situation me rend anxieuse, fatiguée, presque déprimée
  • Cette situation me fait perdre confiance en moi
  • Je me sens mal, d’être payée « à ne rien faire »
  • J’ai le sentiment d’être inutile
  • J’ai le sentiment d’être un parasite de la société
  • Je me sens dévalorisée
  • Je suis en train de perdre mes compétences
  • Je crains de ne plus pouvoir changer, après ça

Alors ? Oui, tu es en bore-out ou presque ?

Dans ce cas, tu rejoins le club des 32% des salariés européens (étude Stepstone) qui s’ennuient au travail.

Merci les politiques d’embauches inadaptées, les postes obsolètes mais conservés parce qu’« on a le budget ».

Merci les mises à l’écart volontaires (tu as peut être négocié un temps partiel et ça n’a pas plus à ton patron, ou tu es « juste » devenue maman avec les tracas de rendez-vous médicaux, de crèche ou de nounou, la vie quoi !).

Merci les licenciements trop chers qui se transforment en mises au placard.

Merci la parcellisation des tâches qui vident les missions de leur sens.

Et le phénomène sévit autant dans le public que dans le privé.

Une autre étude, « Bore to death » (qui a un nom flippant, d’ailleurs) menée en Angleterre, rajoute que les salariés qui s’ennuient au travail présenteraient un risque deux fois plus élevé d’accidents cardio-vasculaires, que les salariés stimulés par leur emploi.

Et avant d’en arriver là, il y a ce vide, qui est très difficile à gérer.

Le bore-out, c’est commencer par se sentir inutile, et finir par se sentir incapable.

Ce qui nous enferme encore plus dans le poste, puisque « qui voudra de nous après ça » ?

Comment vendre cette expérience professionnelle sous forme de coquille vide ailleurs ?

Sans compter que tu vis déjà une période de chamboulement personnel, avec son lot de questionnement, de culpabilité et ce sentiment d’incapacité, que l’on a souvent face à un enfant (« mais pourquoi il pleure depuis 1 heure alors que je l’ai nourri, changé, bercé, câliné, qu’est-ce que je fais mal ? »).

Et puis il y a ce sentiment d’imposture que l’on peut ressentir. Surtout quand on dit ce que l’on fait :

« Je suis chef de projet. »
« Ah bon ? C’est quoi, exactement, chef de projet ? »
(« Je navigue sur Internet sans but précis pendant des heures, je regarde l’horloge et je me fixe des défis-temps du style « quand il est la demie, je vais me prendre un autre café »…) !!

Et le sentiment de vivre en parasite, en particulier dans un monde du travail où c’est plutôt le burn-out, soit l’épuisement par TROP de travail, qui est la « norme ».

Alors comment faire pour se sortir de cet ennui au travail ?

Nous sommes tous d’accord je crois : être payée à ne rien faire, n’est pas une situation enviable. Enfin moi, des gens qui sont OK pour se complaire dans ce type de situation, je n’en connais pas.

Le but, ça serait de retrouver une situation professionnelle qui te permette de te sentir utile, d’avoir de l’impact.

De servir à quelque chose, quoi.

De pouvoir en parler avec fierté.

De pouvoir y penser avec plaisir.

Et puis par la même occasion, de renouer avec la confiance en soi, en ce que tu es capable de faire, même si tu n’as pas utilisé tes compétences depuis longtemps.

Est-ce que comme moi, tu penses que le travail est indispensable à l’épanouissement ?

Que la « valeur Travail » est importante pour se réaliser ?

Je crois même que de pouvoir se réaliser intellectuellement dans son travail, c’est juste vital. À compléter par des relations de qualité, et une cohérence entre ce qu’on fait, et notre vision de la vie.

Alors je te propose un micro-plan de réflexions et d’actions à mener dans l’ordre, pour faire émerger de nouvelles perspectives pour toi, je l’espère  

Prise de conscience et réorganisation du temps

D’abord, ce que je te propose, c’est de prendre conscience de la situation, d’en faire l’état des lieux.

Combien de temps passes-tu par jour à t’ennuyer, à ne rien faire, à errer sur internet sans but précis ?

Isole ces temps, note-les, et fais-en des temps pour toi : des temps à consacrer à votre changement professionnel. Yes.

Essayer une dernière fois ?

Si tu le peux, et que tu tiens par-dessus tout à rester dans ton entreprise ou organisation, parle de cette situation à ton N+1. Montre-lui factuellement le temps où tes compétences ne sont pas exploitées, et l’argent qu’il y perd.

Demande d’être associée à des missions. Proposez-en.

Engage-toi dans la vie de l’entreprise. Cherche une évolution possible dans la boîte. Réseaute en interne pour obtenir de l’information sur d’éventuels postes à pourvoir ou créations de poste.

Rien n’est récupérable ?

Si tout cela ne donne rien, ou que tu es déjà loin dans votre tête, ok. Consacre-toi donc à votre plan pour l’après. Profite de ce temps dont tu disposes pour dresser l’état des lieux de ce qu’il te faut, dans ton prochain job.

Inventorie et détaille tes atoutstes besoinstes valeurstes compétenceston expérience…ça te permettra de mieux les vendre ensuite.

Prévois ton plan pour l’après

Maintenant que tu te connais mieux, que tu sais ce que tu veux, et ce que tu ne veux plus : cible ta recherche.

Quel type d’entreprise ? Quel poste ? Quel interlocuteur ? Quelle stratégie ? Quelles compétences as-tu à mettre à jour pour y arriver ? C’est du boulot, prévoyez du temps (super, tu en as).

Prépare ton départ

Identifie quel sera le premier interlocuteur à qui parler de ton départ, de manière à te maintenir en position favorable de négociation.

Ton N+1 ? Le service RH ? Définis comment tu veux partir.

Démission ? Rupture conventionnelle de contrat ?

Oui, je sais ça n’est pas simple, de réfléchir à ça seule.

En fait, comme tu es empêtrée dans une situation inconfortable qui te mine, tu as du mal à te concentrer pour être constructive, à prendre du recul. Et à prendre conscience que quelque chose d’autre est possible.

Mathieu