« Marion, vous êtes avec nous ? Déjà qu’on n’a pas pu commencer plus tôt à cause de vos problèmes de garde d’enfants »
Marion se redresse sur sa chaise.
Elle croise le regard de Charles avec sa tête de premier de la classe et son air excédé de lèche-cul.
Cruella est énervée, et la deadline est dans 3 semaines.
Et quel stress, d’avoir laissé Gabriel à cette nounou remplaçante…
Mais Chéri en déplacement pour 3 jours, donc vraiment pas le choix. Il faut que j’appelle dès que la réunion est finie.
« Marion…», soupire Cruella, « vous voulez bien nous faire le retour sur le test conso ? ».
Ça y est, la boule au ventre est bien installée.
Colère, stress, marre de s’abaisser devant cette femme qui a pourri toutes les relations entre collègues depuis son arrivée.
Chéri a beau me répéter que j’ai un bon boulot, ce n’est pas lui qui se tape Cruella, la vilaine-sorcière manager, en panne de communication, et à la posture relationnelle plus que douteuse.
Oui, je bosse dans une boîte où tous les ingrédients sont a priori réunis pour donner du sens à mon quotidien : supers produits, perspectives de carrière sympas, conditions de travail archi-confortables…
Mais je ne me reconnais plus.
Où est la femme connue pour son caractère bien trempé et ses valeurs : travail, loyauté, engagement ?
Où est la working-maman positive et volontaire ?
Depuis l’arrivée de Cruella sur le projet, le quotidien de l’équipe est devenu un enfer : attaques personnelles, dévalorisations, humiliations, jeux de pouvoir, climat de terreur et autres manipulations individuelles. ..
Je ne supporte plus sa voix, cette façon d’articuler comme si elle s’adressait à des demeurés.
J’en rêve même la nuit, entre les réveils de Gabriel.
Mais le projet est hyper important et corporate, donc nous sommes tous contraints de continuer à travailler ensemble.
Depuis quelques mois, ma vie professionnelle se résume à des pleurs, des non-dits, des claquages de porte à chaque réunion
Notre groupe va rendre (sans plaisir) un travail moyen, et très mal payé, au regard des préjudices individuels subis par chacun en termes d’estime de soi.
C’est insidieux, mais je n’ai plus envie de venir bosser.
Mon job a perdu son sens. Il ne me nourrit plus, il me pourrit la vie.
J’en arrive même à douter de mes compétences, et à perdre confiance en moi. À la dernière présentation client, j’ai complètement perdu mes moyens avec les remarques de Cruella.
Ça ne m’était jamais arrivé. Je me suis revue au tableau, à l’école primaire, en panique, le jour où je n’avais pas appris ma poésie.
Je ne pense plus qu’à une chose : sortir de ce marécage et CHANGER DE JOB !
Fuir. Prendre l’air. Ouvrir une chambre d’hôtes dans le Gers, travailler dans un salon de thé, refaire mon CV et postuler chez Biocoop.
N’importe quoi mais PARTIR D’ICI !!
Marion, ça aurait pu être moi, il y a longtemps. Dans mon ancienne vie salariée.
Je crois que c’est la seule fois où j’ai rencontré ce type de personne dans ma carrière en entreprise (j’ai eu de la chance que ça n’arrive qu’une fois d’ailleurs, car souvent ce sont des schémas qui se répètent).
Par contre, des « systèmes de management tout entiers » qui se sont révélés toxiques pour moi, ça oui, j’en ai connus plein (j’entends par « systèmes » l’ensemble RH/N+1/N+2/us et coutumes/culture d’entreprise)
Mais c’est peut-être toi aussi ?
Peut-être que ton envie de changer de travail est causée par la rencontre d’une personne toxique ??
Une personne qui essaie de te convaincre que depuis que tu as tes enfants, tu n’es plus la même, professionnellement parlant.
(Mais pas sûr que ce soit les enfants le problème…^^)
De mon côté, j’ai un recul de quelques années, maintenant, depuis cette histoire.
Et c’est une situation que mes clientes rencontrent très souvent.
Donc voici quelques tuyaux pour gérer ces « personnalités toxiques ».
Qu’est-ce qu’une personne au comportement toxique ?
Ma définition : une personne toxique (ou plutôt « au comportement toxique », car on n’est jamais toxique en « valeur absolue »), est une personne qui manipule et intimide son petit monde pour X ou Y raisons psychanalytico-psychologico-je-ne-sais-quoi (et d’ailleurs on s’en fiche).
Sache, pour mieux la repérer, qu’une personne toxique est en général égoïste. Elle choisit ses relations en fonction de leur intérêt à nourrir ses propres objectifs.
Elle a ce don de sur-stimuler ta capacité à te défendre émotionnellement de ses comportements malsains, et te pompe ainsi ton énergie.
En un mot, c’est un VAMPIRE.
En restant en relation avec une personnalité au comportement toxique dans ton environnement direct au travail, ta patience, ton empathie, ta compréhension, ta bienveillance s’en trouvent abîmées.
La personne qui génère de la toxicité ne sait pas être dans une relation de manière désintéressée. Elle ne connaît que les relations où c’est toujours le même qui donne (l’autre) et c’est toujours le même qui prend (elle).
Du coup tu n’es pas respectée. Tes limites ne sont pas respectées.
Et ça crée du mal-être pour toi. De la remise en question.
Et à force, de l’épuisement.
Contre une personne toxique, que faut-il faire…
S’affirmer ?
Une autre grande spécialité des personnalités toxiques est d’obtenir des faveurs d’un individu ou d’un groupe, par un comportement manipulatoire, opéré sciemment ou non.
Parfois en la jouant victime…
Et forcément, quand un individu se positionne en victime dans une relation, les autres, s’ils ne s’affirment pas et entrent dans le jeu, n’ont d’autre choix que de devenir ses persécuteurs ou sauveurs.
Et ça c’est fatigant. Et ça n’est ni juste, ni sain.
Qui ne connaît pas la « pauvre » collègue, qui t’a remplacé au pied levé quand Gabriel a eu son otite il y a 15 jours.
Depuis elle joue les saintes ou les martyres et tu te sentirais presque redevable à vie.
Collègue, patron, N+1, et même collaborateurs : Les relations toxiques peuvent exister à tous les niveaux, avec tous les niveaux.
Et tout le monde s’écrase, ou ne répond pas pour éviter le débordement qui sèmerait la terreur à coup sûr pendant une bonne semaine dans le service…
Donc on subit, on se tait, on s’adapte, et on se colle la boule au ventre.
On développe des stratégies d’évitement.
On déjeune un peu plus rapidement à la cantine pour être partie avant qu’elle ne vienne s’asseoir à notre table.
On prend l’autre aile du bâtiment pour aller se faire couler un café, histoire de ne pas passer devant son bureau.
On lui envoie des mails alors que son bureau est physiquement à 5 mètres de nous, juste pour éviter la confrontation…
On se débrouille, on prend sur soi, quoi…
« Prendre sur soi » ? Cette stratégie ne fonctionne qu’à court terme. Ça ne fera pas changer la personne.
Et vous savez quoi ? >> Ne compte pas que la personne change, d’ailleurs : tu n’as pas de prise sur elle. D’ailleurs pourquoi elle changerait ? Tu la fournis en énergie gratos !
Tu n’as que la possibilité d’agir sur ton périmètre à toi, pour protéger tes limites et tes besoins.
Et ça passe par l’affirmation de soi. Dire « non ». Dire « je ne suis pas d’accord ». Dire « quand tu me dis ça, je ressens ça et ça n’est pas ok pour moi ».
Et le dire de façon honnête, non manipulatoire et assertive. Refuser le jeu, rester factuelle.
Refuser la relation ?
Et parfois, on fait tout très bien. On s’affirme très bien. On respecte les règles… et elles te coupent la parole pour renverser la situation à leur avantage, et adopter un comportement persécuteur ou victime… (Pour ne pas se faire piquer le pouvoir comme ça, non mais ! 🙂
Dis-toi que c’est flippant pour elle, de voir une source d’énergie disparaître ! Si elle te perd, elle va devoir dépenser à son tour de l’énergie, pour trouver une autre victime…
Bref, une histoire sans fin.
Alors du moment que tu as joué le jeu.
Que tu lui as donné l’opportunité de s’exprimer clairement.
Que tu t’es exprimée sur un registre factuel et non jugeant.
Et qu’elle continue à te mettre en inconfort, dis STOP.
Sors de la relation, fuis. Propose-lui de plutôt de t’écrire. Reporte le rendez-vous. Romps la communication, quoi.
Travaille tes 50% de la relation
Comme je l’ai écrit plus haut, on ne peut pas agir pour les gens, et tenir la relation à bout de bras pour tout le monde.
Même si elle résout et assouplit beaucoup de situations, la communication assertive et factuelle ne peut pas faire de miracle du premier coup avec tout le monde.
Garde à l’esprit qu’une relation à deux qui tourne mal, c’est 50% de la responsabilité qui revient à chacun.
Alors dans les 50% du travail relationnel qui t’incombent, tâche de faire de ton mieux pour assouplir ta façon d’être affecté par ce qui ne fonctionne pas.
Communique au mieux, de façon assertive quand tu as la possibilité de le faire, pour faire ton job des 50%.
Et ne dépasse pas cette limite ! Quand tu sens un inconfort physique (pression, mauvaise digestion, nausées, ou quelle que soit la façon par laquelle se manifeste ce stress chez toi), dis-toi que la sonnette d’alarme est tirée, et stoppe la relation.
Et fais respecter tes limites !
Faire respecter ses limites , c’est savoir ce qui est acceptable pour soi.
Cela implique une bonne connaissance de soi, et une bonne estime de soi (qui t’aide à faire valoir ton droit au « confort relationnel », mais j’écrirai un article complet sur le sujet.)
Tu es une working-maman ? Une cible de choix pour ces personnes toxiques.
Parce que nous sommes toutes prêtes à culpabiliser d’être moins disponibles (pourtant c’est faux).
Parce que le monde de l’entreprise est rarement maman-friendly.
Parce que les nuits raccourcies, ça fragilise, et le vampire est à l’affût !
Tu construis ta relation avec ton enfant, et tu es à fond dedans : parentalité bienveillante, et tout, et tout… Définir les limites, le cadre de ce qu’il peut faire ou pas (ce que ça provoque chez les autres. Pourquoi c’est mal…).
>> Alors transpose tout ça dans ta vie pro ! En version adulte bien sûr. Mais le principe est le même. Et sur ce sujet, tu es hyper-qualifiée non ?
Et ton projet professionnel, dans tout ça ?
En tous cas, si je n’avais qu’un seul message à te faire passer : Ne TE remets pas en cause à cause d’une relation qui dysfonctionne.
Il y a des personnes très fortes pour manipuler l’autre, la faire culpabiliser, la faire douter de ses facultés.
Mais ne doute pas de ta valeur.
Ne doute pas de ta légitimité, ni de ta place dans ce job, ni de ta place dans cette entreprise.
Ne doute pas de ta légitimité,
ni de ta place dans ce job,
ni de ta place dans cette entreprise.
Peut-être que la situation est tellement pénible pour toi, que tu penses à changer de job, je sais.
Cela arrive souvent, de vouloir changer de job à cause d’une relation qui dysfonctionne.
C’est dans le top 3 des sources de l’envie de changement, que mes clientes rencontrent. Juste après la perte de sens, et l’ennui intellectuel sans évolution possible en interne.